L'ouïe, le vide et la musique
Atelier 2 d'une expérience ponctuelle de Laboratoire
1998-01-01Bassin de rétention du Stade de France Saint-Denis 1998
Présentation musicale, sonore, visuelle… alternative le long d’un immense parcours souterrain, faisant suite à un atelier de recherche acoustique et musicale sur le thème du vide, autour des fouilles archéologiques…
L’archéologue qui creuse, déblaie, évacue la terre, élimine les poussières, dégage les espaces, gratte le plein… se rapproche des creux, fait advenir petit à petit le vide : ce volume vide et dépouillé qui apparaît révèle ce qu’il cherche précisément à connaître (les modalités d’habitation d’un ancêtre de l’époque carolingienne par exemple). Le vide parvenu enseigne en effet beaucoup de choses : sur lui-même d’abord, il circonscrit objectivement les limites habitées (et par extension les volumes et les acoustiques) dans lesquels les hommes vivaient (d’où découle toute la culture des comportements, l’usage de l’espace, du temps…), mais bien plus, il offre paradoxalement des univers complexes à voir, à entendre, à déduire, à penser ; il crée un espace imaginaire, silencieux, il révèle un lieu historique potentiellement sonore. Les silences d’un creux, d’un trou, d’une absence, d’une usure, d’une disparition, sont évocateurs par défaut. Rares sont les occasions de la vie, où le plein cède ainsi la place au vide pour commencer de parler, de dire, de témoigner ! Cette situation tout à fait riche philosophiquement, socialement et esthétiquement est pour nous un moteur artistique et pédagogique exaltant.
Nous savons que les espaces et les volumes que nous construisons, la ville, nos maisons, nos écoles et usines, hôpitaux et prisons, jardins et ruelles… sont actifs et fonctionnels pour la propagation des sons : lorsque nous écoutons quelque chose ou quelqu’un, la source est multiple car le champ direct est extraordinairement relayé par une multiplication de champs différés ; les murs réfléchissent, absorbent, parlent à notre place, nous portent, nous prolongent, nous freinent, nous retiennent… Ils n’ont pas d’oreille, ils ont une bouche.
Ce double atelier « ethno-acoustique » et musical, part à la recherche du vide, tenter d’apprendre de lui des choses, de l’entendre, le discerner, le créer, le penser…
Quatre étapes sont ainsi parcourues :
a) Se rapprocher du vide : la première étape consiste à recueillir des éléments d’information sur divers cas de figure retenus : salles, chambres, couloirs d’habitation…, en interrogeant les archéologues, leurs plans, les données qu’ils en ont tirés, en relevant les côtes des surfaces et des volumes comme les paramètres des matériaux, les épaisseurs des parois, leur consistance, leur porosité propres… Simultanément à l’élaboration du bilan physique, avec schémas et descriptif, un travail pédagogique sur les disciplines acoustiques est entrepris ; en parallèle, des prises de son de pièces d’habitation contemporaines équivalentes sont effectuées, dans des logements de Saint-Denis, permettant de mettre en relation l’incidence des volumes, des matériaux sur l’acoustique et par extension les effets de celle-ci sur la vie de tous les jours. Aux travaux de compte rendus sur plans font échos des séances d’écoute, mettant « en regard » le foisonnement d’espaces hétérogènes enregistrés.
b) Sentir le vide : cette première prise de conscience du rôle des murs, des fonds, de l’air, est complétée ensuite d’une approche plus historique : l’objectif est de tenter d’entendre les espaces qui ont fait l’objet des fouilles, de sentir comment résonnaient les salles à cette époque (mais aussi comment elles sonnaient tout court), de simuler l’acoustique de ces espaces historiques. Deux hypothèses possibles :
• les paramètres physiques sont saisis dans un logiciel de simulation acoustique (Ircam ou CSTB…) avec un choix de sources (pour l’excitation de l’air), des positionnements d’émission et de réception, etc..., et l’on peut « entendre » ensuite virtuellement, en auditorium, le volume (le vide que nous a laissé l’histoire) que les murs dévoilés par les fouilles dessinent,
• de façon plus artisanale, intuitive et sensorielle, il est procédé à des enregistrements d’imitation, dans des pièces plus complètes appartenant à d’autres fouilles et présentant les mêmes caractéristiques, ou bien dans des pièces contemporaines : dans ce cas, au moyen de traitements électroacoustiques divers, il est possible de se rapprocher des résultats attendus, en tentant de reconstituer de proche en proche l’acoustique du volume que l’on cherche à connaître. Des séances d’écoute de ces simulations ou imitations sont ensuite organisées, puis réfléchies, analysées, explicitées.
c) Créer du vide : la troisième étape est une phase de création musicale. Le projet consiste à enregistrer toutes les cavités vides que nous offrent les archéologues, les poteries, pots, vases, creusets divers, les sarcophages, les morceaux de canalisations, les tubes, ainsi que les trous qu’ils rencontrent au cours de leur travail, qu’ils font jaillir ou qu’ils forgent eux-mêmes (des cavités seront disponibles après les fouilles entamées en Août prochain). Deux projets de prise de son : l’un consiste à n’enregistrer que le vide (les potentiomètres du magnétophone sont grand ouverts, tendus vers l’absence, n’écoutant que l’air et le volume silencieux), l’autre à exciter légèrement l’acoustique intérieure de tous ces creux avec des sons minimalistes, voix légères ou lointaines (moments de vie improvisés et textes d’époque), sons vocaux (abstraits), petits objets (actuels et/ou anciens). Dans chacune de ces cavités de petites dimensions, une fréquence de résonance chante de façon permanente, colorant l’air, faisant émerger un bourdon fin du silence, une tenue fondamentale (avec peu d’harmoniques), creusant le vide. L’ensemble de ces prises de son fait ensuite l’objet d’un travail en studio, d’un travail d’écriture, de corrélations, de rapprochements, de montage, de mixage : travail de composition. Cette partition collective est donc un hommage musical au vide, à l’espace qui sépare et écarte ce qui nous enferme, qui colore nos vies, nos sons et nos voix, que nous n’entendons jamais, dont nous ne connaissions pas l’existence. Le plein rejette le vide, et nous avec. Déjà les acousticiens, à l’instar des dauphins, des chauves-souris et autres animaux clairvoyants utilisent, pour sentir les pleins et les vides, des sonars, des ondes d’ultrasons, mesurent la continuité des impédances, la forme des sons qui reviennent du formidable séjour de leur trajectoire, le long des matériaux, le long des volumes. La création tend l’oreille vers l’indicible, vers l’histoire, vers le creux ; elle va vers ce qui ne fait pas encore sens, invisible et impalpable, immatériel comme le son, vivant comme l’air ! Une fresque sonore sur un sujet silencieux ou une fresque silencieuse sur un sujet sonore ! ?
d) Témoigner du projet : de cet atelier complexe, qui écoute le silence pour entendre l’histoire, qui sonde les murs et les volumes qu’ils délimitent pour ouïr la vie, qui invente des musiques avec l’air pour interpeller notre rapport au vide, nous avons rendu compte de façon publique. À l’heure des clameurs totalisantes des uns, des vies réduites au silence des autres, nous voulions bien que chacun tende avec nous l’oreille vers ce petit espace du milieu qui, entre les deux bords du pot, entre les deux murs de la chambre, entre les deux rives du fleuve, sépare le monde pour lui donner ses formes, ses creux et ses bosses, ses failles et ses arrondis, ses masses et ses surfaces… Nous avons circonscrit des parcelles d’air qui nous portent, nous permettent de respirer, nous propagent ou nous absorbent, mettant à nu des nuances minimales que la violence ordinaire, à l’heure des énormités, des objets par milliers, des plans sur la comète, repousse dans l’indifférence.
C’est cette présentation qui eut lieu au fond du Bassin de rétention situé sous le Stade de France, plus grand Bassin d’Europe, avant son ouverture aux eaux du département. On y a retrouvé des musiques très diverses et minimalistes, propositions esthétiques inédites, aux côtés de résultats plus modestement sonores, ouvrant vers un travail de recherche sur la notion de contexte, de volume commun, de place d’écoute, de vide, des écoutes singulières de pots anciens, des promenades silencieuses dans des lieux d’une immensité et d’un silence exceptionnels, un bilan acoustique, avec explications et interprétations, formulations et conclusions sonores, des dessins et des critiques de la mesure, un bilan théorique, textuel, soulevant l’incidence de l’acoustique dans les relations sociales, l’importance des notions de diffusion, d’environnement (centre / périphérie ?), de contexte, de place dans l’espace et donc dans les actions et les idées : une immersion dans de petits instants de philosophie, celle que le son et le vide se renvoient sans se lasser, jubilants, emportés par l’histoire dans une danse infinie.
Édition interne d’un CD
Avec Philippe Delaune, Véronique Debaig, Véronique Vié, Emilie François, Heinke Wagner, Yacine Derouaz, France Montréal, Pascale Clamagirand, Patrick Créac'h, Fatilha Bouziani, Moussa Doucoure, Maha Gobba, Alexia Pavade, Rachid Saïdi. Coordination : Nathalie Bentolila
Le Laboratoire 1998 / 1999
Nicolas Frize et l’association « Les Musiques de la Boulangère » entreprennent de partir en recherche, de conduire un laboratoire artistique, investissant un double champ d’application : l’esthétique et le politique. Tout acte de création est le fruit de ses choix de production : le lieu, le sujet, les gens, les moyens financiers, le temps, les mots qui circulent autour, les objets rencontrés… L’œuvre musicale existe aussi bien par sa conception que par son interprétation, par ses intentions que par les conditions de sa diffusion, de sa réception, de sa perception. Changer radicalement les façons mêmes de faire revient à bouleverser l’artistique même, depuis l’écriture jusqu’à la sensation sonore finale, à transformer les relations entre les choses, la posture des publics, leur attitude active d’auditeur. Faire que l’écoute et la perception soient à vif et que la partition les devance, n’est pas une simple affaire d’innovation, d’invention, c’est une voie de recherche, qui demande de construire l’acte artistique autrement, de façon réellement alternative.
Ainsi, au cours de ces travaux modestes dans chaque ville du Département, chaque fois et malgré l’extrême disparité des projets, une préoccupation revient tout le temps : l’œuvre musicale tourne autour d’elle-même, écoute autour d’elle et engage avec son environnement un travail de rencontre. Cela ne passe pas par un schéma habituel, un compositeur, un projet, une partition, des interprètes, de la communication et un public ! Cela passe en premier lieu par du travail anodin et parfois banal, des enregistrements, des discussions, des échanges de livres, d’idées, des dessins, une longue vie dans un lieu emblématique, au milieu des gens, des sons et de la vie quotidienne… Alors le tympan, l’esprit et les fibres amoureuses s’excitent, des idées étrangères naissent, qui font vivre une écoute décalée, cette écoute repose la place de celui qui entend dans le lieu où il se trouve, permet d’entendre plus loin, les sons plus fins ou leur mélange complexe. Chacun s’agite, fait aux autres des signes inhabituels, montre du doigt des choses abstraites, très simples, immédiates, poétiques, puissantes, troubles… Personne ne se retrouve là par hasard : la place des interprètes, des acteurs sonores, la place et la raison d’être là des auditeurs/invités, le choix de sources, les raisons de ce rassemblement…, doivent aller de soi, poursuivre le quotidien, animer sa suite, de façon certainement singulière ou inattendue mais pourtant fluide et sans solennité. Cherchant irrésistiblement à creuser l’impossible, à ouvrir des brèches dans nos usages sensibles et sensoriels, le plaisir immédiat veut faire coïncider des applications musicales (si possible inouïes ainsi ? !) avec des objectifs abstraits, thématiques (si possible inpensées ainsi ? !), veut réapprendre à écrire les premiers mots, inventer des vocabulaires, déstabiliser les modèles, nettoyer les oreilles, habiter les espaces, repousser les usages de l’esthétique, nouer des gratuités entre son et musique, entre transformation et immobilité, entre rationnel et irrationnel… Un déplacement du faire entendre vers le faire faire est ici souhaité : il conditionne toute une attitude ; les musiciens cessent d’être seulement des interprètes, les gens non musiciens cessent d’être des populations en quête de loisir, tous sont appelés à mettre leur participation en chantier !
Ce souci d’expérimentation et de recherche double, esthétique et politique a pour objectif de transformer en profondeur les conditions de production artistique, d’inventer de nouveaux modes d’écriture musicale, et par voie de conséquence de nouveaux modes d’échanges culturels ; pas d’œuvre, pas de spectacle, pas de public, pas de représentation, pas de rendez-vous magistral, pas d’invitation anonyme, pas de répétition, pas de production traditionnelle… Dans chacune des villes, une recherche publique sur un thème singulier à partir d’un groupe hétérogène de personnes (de 15 à 60), s’élargissant à d’autres (300 maximum) de façon particulière, participative, engagée, partagée !
L’archéologue qui creuse, déblaie, évacue la terre, élimine les poussières, dégage les espaces, gratte le plein… se rapproche des creux, fait advenir petit à petit le vide : ce volume vide et dépouillé qui apparaît révèle ce qu’il cherche précisément à connaître (les modalités d’habitation d’un ancêtre de l’époque carolingienne par exemple). Le vide parvenu enseigne en effet beaucoup de choses : sur lui-même d’abord, il circonscrit objectivement les limites habitées (et par extension les volumes et les acoustiques) dans lesquels les hommes vivaient (d’où découle toute la culture des comportements, l’usage de l’espace, du temps…), mais bien plus, il offre paradoxalement des univers complexes à voir, à entendre, à déduire, à penser ; il crée un espace imaginaire, silencieux, il révèle un lieu historique potentiellement sonore. Les silences d’un creux, d’un trou, d’une absence, d’une usure, d’une disparition, sont évocateurs par défaut. Rares sont les occasions de la vie, où le plein cède ainsi la place au vide pour commencer de parler, de dire, de témoigner ! Cette situation tout à fait riche philosophiquement, socialement et esthétiquement est pour nous un moteur artistique et pédagogique exaltant.
Nous savons que les espaces et les volumes que nous construisons, la ville, nos maisons, nos écoles et usines, hôpitaux et prisons, jardins et ruelles… sont actifs et fonctionnels pour la propagation des sons : lorsque nous écoutons quelque chose ou quelqu’un, la source est multiple car le champ direct est extraordinairement relayé par une multiplication de champs différés ; les murs réfléchissent, absorbent, parlent à notre place, nous portent, nous prolongent, nous freinent, nous retiennent… Ils n’ont pas d’oreille, ils ont une bouche.
Ce double atelier « ethno-acoustique » et musical, part à la recherche du vide, tenter d’apprendre de lui des choses, de l’entendre, le discerner, le créer, le penser…
Quatre étapes sont ainsi parcourues :
a) Se rapprocher du vide : la première étape consiste à recueillir des éléments d’information sur divers cas de figure retenus : salles, chambres, couloirs d’habitation…, en interrogeant les archéologues, leurs plans, les données qu’ils en ont tirés, en relevant les côtes des surfaces et des volumes comme les paramètres des matériaux, les épaisseurs des parois, leur consistance, leur porosité propres… Simultanément à l’élaboration du bilan physique, avec schémas et descriptif, un travail pédagogique sur les disciplines acoustiques est entrepris ; en parallèle, des prises de son de pièces d’habitation contemporaines équivalentes sont effectuées, dans des logements de Saint-Denis, permettant de mettre en relation l’incidence des volumes, des matériaux sur l’acoustique et par extension les effets de celle-ci sur la vie de tous les jours. Aux travaux de compte rendus sur plans font échos des séances d’écoute, mettant « en regard » le foisonnement d’espaces hétérogènes enregistrés.
b) Sentir le vide : cette première prise de conscience du rôle des murs, des fonds, de l’air, est complétée ensuite d’une approche plus historique : l’objectif est de tenter d’entendre les espaces qui ont fait l’objet des fouilles, de sentir comment résonnaient les salles à cette époque (mais aussi comment elles sonnaient tout court), de simuler l’acoustique de ces espaces historiques. Deux hypothèses possibles :
• les paramètres physiques sont saisis dans un logiciel de simulation acoustique (Ircam ou CSTB…) avec un choix de sources (pour l’excitation de l’air), des positionnements d’émission et de réception, etc..., et l’on peut « entendre » ensuite virtuellement, en auditorium, le volume (le vide que nous a laissé l’histoire) que les murs dévoilés par les fouilles dessinent,
• de façon plus artisanale, intuitive et sensorielle, il est procédé à des enregistrements d’imitation, dans des pièces plus complètes appartenant à d’autres fouilles et présentant les mêmes caractéristiques, ou bien dans des pièces contemporaines : dans ce cas, au moyen de traitements électroacoustiques divers, il est possible de se rapprocher des résultats attendus, en tentant de reconstituer de proche en proche l’acoustique du volume que l’on cherche à connaître. Des séances d’écoute de ces simulations ou imitations sont ensuite organisées, puis réfléchies, analysées, explicitées.
c) Créer du vide : la troisième étape est une phase de création musicale. Le projet consiste à enregistrer toutes les cavités vides que nous offrent les archéologues, les poteries, pots, vases, creusets divers, les sarcophages, les morceaux de canalisations, les tubes, ainsi que les trous qu’ils rencontrent au cours de leur travail, qu’ils font jaillir ou qu’ils forgent eux-mêmes (des cavités seront disponibles après les fouilles entamées en Août prochain). Deux projets de prise de son : l’un consiste à n’enregistrer que le vide (les potentiomètres du magnétophone sont grand ouverts, tendus vers l’absence, n’écoutant que l’air et le volume silencieux), l’autre à exciter légèrement l’acoustique intérieure de tous ces creux avec des sons minimalistes, voix légères ou lointaines (moments de vie improvisés et textes d’époque), sons vocaux (abstraits), petits objets (actuels et/ou anciens). Dans chacune de ces cavités de petites dimensions, une fréquence de résonance chante de façon permanente, colorant l’air, faisant émerger un bourdon fin du silence, une tenue fondamentale (avec peu d’harmoniques), creusant le vide. L’ensemble de ces prises de son fait ensuite l’objet d’un travail en studio, d’un travail d’écriture, de corrélations, de rapprochements, de montage, de mixage : travail de composition. Cette partition collective est donc un hommage musical au vide, à l’espace qui sépare et écarte ce qui nous enferme, qui colore nos vies, nos sons et nos voix, que nous n’entendons jamais, dont nous ne connaissions pas l’existence. Le plein rejette le vide, et nous avec. Déjà les acousticiens, à l’instar des dauphins, des chauves-souris et autres animaux clairvoyants utilisent, pour sentir les pleins et les vides, des sonars, des ondes d’ultrasons, mesurent la continuité des impédances, la forme des sons qui reviennent du formidable séjour de leur trajectoire, le long des matériaux, le long des volumes. La création tend l’oreille vers l’indicible, vers l’histoire, vers le creux ; elle va vers ce qui ne fait pas encore sens, invisible et impalpable, immatériel comme le son, vivant comme l’air ! Une fresque sonore sur un sujet silencieux ou une fresque silencieuse sur un sujet sonore ! ?
d) Témoigner du projet : de cet atelier complexe, qui écoute le silence pour entendre l’histoire, qui sonde les murs et les volumes qu’ils délimitent pour ouïr la vie, qui invente des musiques avec l’air pour interpeller notre rapport au vide, nous avons rendu compte de façon publique. À l’heure des clameurs totalisantes des uns, des vies réduites au silence des autres, nous voulions bien que chacun tende avec nous l’oreille vers ce petit espace du milieu qui, entre les deux bords du pot, entre les deux murs de la chambre, entre les deux rives du fleuve, sépare le monde pour lui donner ses formes, ses creux et ses bosses, ses failles et ses arrondis, ses masses et ses surfaces… Nous avons circonscrit des parcelles d’air qui nous portent, nous permettent de respirer, nous propagent ou nous absorbent, mettant à nu des nuances minimales que la violence ordinaire, à l’heure des énormités, des objets par milliers, des plans sur la comète, repousse dans l’indifférence.
C’est cette présentation qui eut lieu au fond du Bassin de rétention situé sous le Stade de France, plus grand Bassin d’Europe, avant son ouverture aux eaux du département. On y a retrouvé des musiques très diverses et minimalistes, propositions esthétiques inédites, aux côtés de résultats plus modestement sonores, ouvrant vers un travail de recherche sur la notion de contexte, de volume commun, de place d’écoute, de vide, des écoutes singulières de pots anciens, des promenades silencieuses dans des lieux d’une immensité et d’un silence exceptionnels, un bilan acoustique, avec explications et interprétations, formulations et conclusions sonores, des dessins et des critiques de la mesure, un bilan théorique, textuel, soulevant l’incidence de l’acoustique dans les relations sociales, l’importance des notions de diffusion, d’environnement (centre / périphérie ?), de contexte, de place dans l’espace et donc dans les actions et les idées : une immersion dans de petits instants de philosophie, celle que le son et le vide se renvoient sans se lasser, jubilants, emportés par l’histoire dans une danse infinie.
Édition interne d’un CD
Avec Philippe Delaune, Véronique Debaig, Véronique Vié, Emilie François, Heinke Wagner, Yacine Derouaz, France Montréal, Pascale Clamagirand, Patrick Créac'h, Fatilha Bouziani, Moussa Doucoure, Maha Gobba, Alexia Pavade, Rachid Saïdi. Coordination : Nathalie Bentolila
Le Laboratoire 1998 / 1999
Nicolas Frize et l’association « Les Musiques de la Boulangère » entreprennent de partir en recherche, de conduire un laboratoire artistique, investissant un double champ d’application : l’esthétique et le politique. Tout acte de création est le fruit de ses choix de production : le lieu, le sujet, les gens, les moyens financiers, le temps, les mots qui circulent autour, les objets rencontrés… L’œuvre musicale existe aussi bien par sa conception que par son interprétation, par ses intentions que par les conditions de sa diffusion, de sa réception, de sa perception. Changer radicalement les façons mêmes de faire revient à bouleverser l’artistique même, depuis l’écriture jusqu’à la sensation sonore finale, à transformer les relations entre les choses, la posture des publics, leur attitude active d’auditeur. Faire que l’écoute et la perception soient à vif et que la partition les devance, n’est pas une simple affaire d’innovation, d’invention, c’est une voie de recherche, qui demande de construire l’acte artistique autrement, de façon réellement alternative.
Ainsi, au cours de ces travaux modestes dans chaque ville du Département, chaque fois et malgré l’extrême disparité des projets, une préoccupation revient tout le temps : l’œuvre musicale tourne autour d’elle-même, écoute autour d’elle et engage avec son environnement un travail de rencontre. Cela ne passe pas par un schéma habituel, un compositeur, un projet, une partition, des interprètes, de la communication et un public ! Cela passe en premier lieu par du travail anodin et parfois banal, des enregistrements, des discussions, des échanges de livres, d’idées, des dessins, une longue vie dans un lieu emblématique, au milieu des gens, des sons et de la vie quotidienne… Alors le tympan, l’esprit et les fibres amoureuses s’excitent, des idées étrangères naissent, qui font vivre une écoute décalée, cette écoute repose la place de celui qui entend dans le lieu où il se trouve, permet d’entendre plus loin, les sons plus fins ou leur mélange complexe. Chacun s’agite, fait aux autres des signes inhabituels, montre du doigt des choses abstraites, très simples, immédiates, poétiques, puissantes, troubles… Personne ne se retrouve là par hasard : la place des interprètes, des acteurs sonores, la place et la raison d’être là des auditeurs/invités, le choix de sources, les raisons de ce rassemblement…, doivent aller de soi, poursuivre le quotidien, animer sa suite, de façon certainement singulière ou inattendue mais pourtant fluide et sans solennité. Cherchant irrésistiblement à creuser l’impossible, à ouvrir des brèches dans nos usages sensibles et sensoriels, le plaisir immédiat veut faire coïncider des applications musicales (si possible inouïes ainsi ? !) avec des objectifs abstraits, thématiques (si possible inpensées ainsi ? !), veut réapprendre à écrire les premiers mots, inventer des vocabulaires, déstabiliser les modèles, nettoyer les oreilles, habiter les espaces, repousser les usages de l’esthétique, nouer des gratuités entre son et musique, entre transformation et immobilité, entre rationnel et irrationnel… Un déplacement du faire entendre vers le faire faire est ici souhaité : il conditionne toute une attitude ; les musiciens cessent d’être seulement des interprètes, les gens non musiciens cessent d’être des populations en quête de loisir, tous sont appelés à mettre leur participation en chantier !
Ce souci d’expérimentation et de recherche double, esthétique et politique a pour objectif de transformer en profondeur les conditions de production artistique, d’inventer de nouveaux modes d’écriture musicale, et par voie de conséquence de nouveaux modes d’échanges culturels ; pas d’œuvre, pas de spectacle, pas de public, pas de représentation, pas de rendez-vous magistral, pas d’invitation anonyme, pas de répétition, pas de production traditionnelle… Dans chacune des villes, une recherche publique sur un thème singulier à partir d’un groupe hétérogène de personnes (de 15 à 60), s’élargissant à d’autres (300 maximum) de façon particulière, participative, engagée, partagée !
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Nébuleuses
2003Entre le gaz, le solide et le liquide, allant des fourmillements aux nappes, des grandes vitesses aux immobilités, des grandes densités aux...
Je t'aime, je meurs
2003Avec François Le Roux et Noël Lee à Saint-Denis, puis Dominique Ploteau et Jonas Vitaud à Paris.Le livret, réalisé par le compositeur, est un...
Desseins
2002(…Cette création et ces concerts sont la deuxième partie de “Carnet de notes”, qui fut donné à la salle de la Légion d’Honneur de...
Carnet de notes
2002« Carnet de notes » : des écritures, jusqu’alors secrètes, fruits du travail studieux, crayonné, raturé, dessiné dans la concentration...
Auguste s'envole
2001Neuf partitions s’enchaînent dans quatre lieux successifs les unes à la suite des autres. Elles ont toutes une durée propre de 9 minutes et sont...
Du plus profond
2000Réalisé avec 300 interprètes cubains (Clôture du Festival de Musique Contemporaine de l’Unéac) puis 300 interprètes français (3 villes de...
Deux instants
1999Avec Isabelle Chevalier, organiste et Lucie Jolivet, voix émergenteDans le cadre du Festival du Groupe de Recherche Expérimentale de MarseilleUn...
Un instant
1994Avec Michel Bourcier, Lucie Jolivet et le chœur des Musiques de la BoulangèreCréation inaugurale du nouvel orgue (facteur Daniel Birouste),...
Le ciel m'est monté à la tête
1982Avec Jean-Louis Bindi, baryton, haute-contre, Nathalie Barbey et Lucie Jolivet, soprani, Nancy Daveau, mezzo, Nathalie Carraud et Agnès Bouy, alti...
Hommage aux mots
1987Avec les voix de C. Rich, Kriss, J. Artur, R. Gicquel, M. Morelli, J. Livchine, L. Badie…Œuvre multi-pistes commandée par le ministère de la...
Vous avez la ligne
1981Avec Béatrice Cramoix, soprano, Pierre Danais, ténor - mise en scène : Mireille LarrocheThème : le Réseau, espace de convivialité insolite dans...
La voix des Gens - La Voixthèque
1997Réalisation en parallèle d’une Voixthèque, mémoire sonore de 200 voix du nord de Paris, d’un ACR - Atelier de Création Radiophonique pour...
La voix des gens - Chronique musicale numéro 7
1997Chronique n° 7 Unitude - L’oreille multiple - Paysage dans la duréeJe me suis engagé une 1ère fois… Je n’aurai donc jamais fini !Faire...
La voix des gens - Chronique musicale numéro 6
1997Chronique n° 6 Multitude - L’oreille singulière - Paysage instantanéIl nous reste tant à ouïr !1 voix + 1 voix = 100 000 voix.Chacun de...
La voix des gens - Chronique musicale numéro 5
1997Chronique n° 5 - Déséquilibre et ordre- L’oreille Immobile - Paysage hors de la matièreLes voix volent, le son semble flotter, se fondre et...
La voix des gens - Chronique musicale numéro 4
1997Chronique n° 4 - Équilibre et désordre - L’oreille Mobile - Paysage dans la matièreAller au fond : le temps d’un questionnement sonore qui...
La voix des gens - Chronique musicale numéro 3
1996Chronique n° 3 - déclaration d’existence - l’oreille traversée - paysage dans le paysageDans une immense friche industrielle abandonnée,...
La voix des gens - Chronique musicale numéro 2
1996Chronique n°2 - exposé de l’altérité - l’oreille en dehors - paysage centripèteLes ressources sonores et donc musicales de l’organe vocal...
La voix des gens - Chronique musicale numéro 1
1996Chronique n°1 - prisme mobile - l’oreille en dedans - paysage centrifugeAu cœur de la voix, son corps.La matière, la couleur, la densité, la...
Tout contre
1993Cette partition est dédiée à l'univers urbain, à son environnement sonore, à ses mélanges, ses bruits témoins de ses richesses, ses échanges,...
Paroles de voitures
1984Cette pièce est écrite à partir des enregistrements de l’usine. Parmi la quasi totalité agressive et néfaste des bruits, parfois, perdus,...
Sur le bout de la langue
2016Première édition (2009) : Performance dans le cadre de la création de Nicolas Frize : Je ne sais pas…Dialogue entre neuf personnages parlant...
Conversations inouïes
2010Séance d’invitation à la peinture, au dessin et à la calligraphie abordés comme des “langues vivantes”. Une double interprétation...
La danse des traductions
2010Un présentateur fou introduit et commente des courts-métrages ou extraits de films projetés dans une salle de cinéma. La programmation mêle un...
Ecoute écoute (1)
2008Paysages transportés, forêt sonore, campagne urbaine et couleurs de ville, océan d’oiseaux et de cailloux, voix de silence et éclair de pluie,...
Petites vacances rue Watt
2005Création à partir d’œuvres personnelles et d’œuvres du répertoireAvec Muriel Ferraro (alto), Christophe Laporte (alto), Florian Westphal...
Une histoire de pigeons et de tourterelles
2002Une quarantaine d'enceintes acoustiques sont disposées autour de la Grande Halle, sur le périmètre extérieur, sous les retombées de la toiture...
Li(v)res en scène
2002Mise en scène à l’attention d’un auditoire préparé, de la lecture silencieuse et collective d’une œuvre littéraire choisie et projetée...
Le flux, la coupure et la suspension
1999Présentation dans quatre cafés de quatre villes du 93 d’un travail de quatre mois, comprenant la constitution d’une mémoire sonore de ces...
L'ouïe, le vide et la musique
1998Présentation musicale, sonore, visuelle… alternative le long d’un immense parcours souterrain, faisant suite à un atelier de recherche...
Révolution, je t'aime
1998Création « presque » spontanée pour un ensemble de douze instrumentistes et une foule pensante et chantante.Un hommage aux 30 ans de la Maison...
Champagne majeur
1991Conception pour le stand de France-musique d’un buffet Musical (enregistré), avec des interventions discontinues du choeur d'enfants et des...
Choeurs de Canal
1981Concert flottant ininterrompu : cinq heures de musique sur bande magnétique et vocale (80 choristes), de lumières, d’artifices, et d’animation...
Les maisons chantent
1981Musique en pistes
1979Ensemble d’œuvres sur bande, créées en multi-pistes, vocales et concrètes.Concert électroacoustique en haute montagne.La régie de...
Deux peintures de peintre
1977Première (et dernière) création exclusivement électronique de Nicolas Frize.réalisée lors d'une résidence de deux mois à la faculté de...
Vases communicants
1976Commande du conseil général de la Seine-Saint-Denis pour la cérémonie des voeux annuels : programme musical constitué de pièces musicales...
Elle s'écoule
2018Une création sur le thème du DESIR - aboutissement d'une résidence de deux ans avec une cinquantaine de jeunes et une trentaine d'interprètes...
être sujets dans son travail
2014Cette manifestation a été inaugurée à la Maison des Métallos (Paris 11e), les 19 et 20 avril 2012, une seconde édition a eu lieu les 23 et 25...
Fenêtres sur Fenêtres
2014L’association met en œuvre un projet d’envergure, sur le thème de la culture et du travail, associant l’établissement pénitentiaire de...
Le Philharmonique des mots
2010Cent « choristes », deux instrumentistes, un chef d’orchestre, une partition, un livret... et une salle.C’est la recette (culinaire) du «...
Dehors au dedans
2009Un ensemble constitué d’une chanteuse alto et d’une vingtaine de musiciens joue sur une scène éclairée par des petites lampes. Des sons...
Maintenant
2006Sur la résidenceA l'invitation de Radio grenouille, le compositeur Nicolas Frize "entre en résidence" à Marseille. Invité à partager sa méthode...
êtres
2006Une résidence simultanée dans 7 villesCe dispositif de création a offert six situations de résidence simultanées au compositeur Nicolas Frize et...
Nos yeux ont des reflets rouges
2002Inspiré du caractère et de la scénographie des opéras populaires de la période de la révolution culturelle chinoise. Avec Nathalie Barbey,...
Incidemment
1998Toute la relation qui va suivre (mais pas seulement elle, parlons aussi de la façon dont chacun advient mais plus encore, de la façon dont le...
T'entends ce que j'entends ?
1993Avec Marie-Claude Vallin, soprano, Jacqueline Cellier, soprano, Luisa Diez, alto, Gisèle Ergol, alto, Marie Valin, comédienne, Jean-Louis-Bindi,...
Passion profane
1991Partition montée avec une trentaine de détenus longues peines dans le cadre d’une résidence de cinq mois du compositeur dans l’établissement....
Composition française
1991Création sur les apports étrangers présents à travers les siècles dans la culture française : ici comme ailleurs, les notes savantes...
Que souffle la tempête
1989Commande de l'établissement public de Cergy-Pontoise, pour la commémoration de l'anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme (création...
Manifeste musical
1989Production organisée en hommage à la Révolution Française, donnée de façon "sauvage" et spontanée, sans autorisation ni aide financièreLe...
Elle est belle
1985Mise en scène Jean-Louis Gros, scénographie Yves Cassagne, Livret de Mathilde La Bardonnie. Orchestre l'Ensemble 2E2M sous la direction de Paul...
Chœurs d'enfants - Marguerite et Boniface
1979« Marguerite et Boniface » à Créteil a marqué la clôture et une sorte d’aboutissement de cette série de créations pour grands chœurs.La...
Chœurs d'enfants - Norbert et Blandine
1978À l’occasion de sa création, l’Atelier Régional de Musique présente le travail que le compositeur Nicolas Frize, conseiller de l’Atelier, a...
Chœurs d'enfants - Léonard et Magali
1977Ce concert est l’aboutissement d’un travail vocal mené pendant deux mois d’animation et de répétitions dans trois écoles primaires de...
Grands chœurs d'enfants
1977Ce travail contient trois aspects :• Un propos pédagogique alimenté à la fois chez les enfants par la découverte de la musique contemporaine,...
Orphée, mettez-y du vôtre
1992Stéphanie Aubin
Dédicaces
1993Stéphanie Aubin
Nos images et les leur(res)
1990Stéphanie Aubin
Danse : Compagnie Red Notes
1981Route de Louvier-Juzon - Grande salle du centre Georges Pompidou (1986)En collaboration avec le GRCOP (Groupe de Recherche Chorégraphique de...
Danse - Cie L'esquisse
1986Derrière le mur - Festival d'Avignon, Cloître des Carmes (1986), Théâtre de l'Hotel de ville à Paris,, Théâtre Bunkamura, Tokyo (Japon),...
Danse : Centre chorégraphique de National de Basse-Normandie
1987Elul - Théâtre de CaenCréation pour l'Ensemble Instrumental de Basse-Normandie (flûte, hautbois, basson, cor, percussions, clavecin, violon,...
Danse : Compagnie
1976Chorégraphies pour Jacques PatarrozziAvec Jacques Patarozzi, Dana Sapiro, Malou Airaudo, Dominique Mercy, Héléna PikonThree - Présences - Quatre...