Paysage sonore continu, pour voix et voix, mots et mots... en trois temps... et trois espaces

Théo Merigeau, Hsiao-Yun Tseng, Ya-HuiLiang, Jérémie Abt, dessin
Ariane Granjeon, violon
Frédéric Petit, violoncelle

Chœur chuchotant rassemblé par le MAC/VAL pour l’occasion

Le thème
La question de la mémoire soulève celle des relations entre l’oral et l’écrit..., le rôle du vivant. Tandis que le langage noircit le papier, la parole éclaire la nuit.
Ce parcours musical, en noir et blanc, côtoie les lisières indéfinies de la musique et de la poésie, entre anecdote et abstraction, dans un désir de convivialité étroite : écouter ce qui s’écrit entre nous, écouter ce qui nous est chuchoté dans l’oreille, lire tous ensemble les mêmes livres...
Le sonore est ici le révélateur de l’invisible. Le musée n’a pas disparu, il se suggère à nos sens, parle à nos oreilles, se blottit dans notre imagination. Habituellement musical bien qu’en apparence silencieux, il disparaît pour laisser parler l’œuvre.

Le parcours

1. Écritures sonores
Le musée nous accueille le soir, dans la pénombre. Des extraits d’œuvres du musée surgissent de la pénombre. Dans une première salle, une table est disposée avec des pinceaux, des crayons, des papiers, des ardoises, une collection d’outils pour écrire, dessiner, peindre. Cinq dessinateurs travaillent à écrire, composer, dessiner, tracer et colorer divers supports. À deux extrémités de la table une violoniste, un violoncelliste. Le public est tout autour, sur des petits tabourets.
Les écritures sont amplifiées sur des hauts parleurs disposés autour de la table à différents points. Les traces sonores sont spatialisées de façon naturelle à l'emplacement de leurs sources, et s’entremêlent acoustiquement.
Le pinceau souffle, les mains et le crayon chantent. Une véritable chorégraphie s'organise, les traits pianissimos répondent aux petits points éparpillés qui fourmillent. Le violon et violoncelle se font tous petits.
Un nuage sonore s’annonce très doux, glissés furtifs. Les mines glissent sur l’ardoise, le calque frémit, le parchemin chuchote. Écrivains musiciens. Il pleut des musiques d’écriture.

2. Écritures vocales
Dans l’obscurité la plus totale on entre dans un tuyau de voix, de corps, sinuant. Ils sont 140 ! On ne voit que des visages, révélés par des minuscules leds que chaque interprète porte sur son front. On traverse des textes parlés, des mots chuchotés, des phrases murmurées, des bribes susurrées, des sons vocaux, des extraits chantés, des bruits de bouche... Nos oreilles sont en contact intime avec les voix qui nous encerclent, tandis que nous avançons. On n'en perçoit que des bribes, puisqu'avançant, on perd sans cesse ce qu’on découvre : on construit alors, avec notre vitesse et notre concentration, une œuvre vocale originale et hétérogène, composée de la succession des sons qui nous parviennent, au fur et à mesure de notre progression dans ce tunnel humain ondulant.
Murmures à l’oreille, mots à la bouche, sons qui filent... Plongeon énigmatique. Toutes ces voix qui encerclent et se pressent, intimes, sont des douceurs déroutantes... La route est sinueuse, promenade blanche dans le noir total. Les voix me guident, je suis perdu, j’avance.
Elles sont en moi ; qu’est-ce que vous dîtes ? Je m’éloigne. Restez s’il vous plait !

3. Écritures visuelles
Le public débouche dans une grande salle où des chaises longues de jardin sont disposées ça et là. Des textes animés sont projetés sur les murs. Chacun d'eux défile à une vitesse propre, proposant par ailleurs un mode de lecture spécifique, par la façon dont il apparaît.  Les projections sont autonomes et simultanées. Les textes sont choisis parmi des oeuvres de poésie contemporaine, sur le thème de la langue et la lingüistique.
Une bande sonore minimaliste diffuse avec une légèreté particulière une trame électronique évoluant très lentement (musique spectrale). Le lecteur reste le temps qu’il souhaite.
Lire tous ensemble, allongés dans les pages. Pages de blanc, écran noir.
Visions lumineuses de mots disparaissant, de phrases dansantes, d’idées allantes.
Les yeux sourient, le corps se repose, poésie, les sons ne bougent presque pas...
Le silence n’en est pas un, il semble s’allonger aussi, tout autour, d’une infinie façon.
Concentration. Nous sommes entre tous.

La mise en œuvre
Pour la deuxième partie du parcours, le MAC/VAL a réuni cent quarante personnes de tous âges voulant participer à cette expérience. Nicolas Frize s’est réuni avec elles et leur a demandé d’apporter un texte de leur choix (littéraire, philosophique, historique, mais aussi mathématique, logistique, intime, de cuisine, quotidien, politique…). Il s’agissait d’apprendre son texte et de travailler une locution particulière suggérée par Nicolas Frize, selon la personnalité vocale de chacun, parfois en parlant, parfois en chantant. La difficulté a été ensuite de dire chacun son texte, mais tous ensemble, les uns à côté des autres, et très doucement ! Chacun se parle à soi-même, mais parle à ceux qui entrent dans le conduit formé par la succession de ces voix. Ce travail sur la transmission transforme la perception de l’espace.

Contenus
Quelques-uns des textes dits par les interprètes du couloir vocal :
Chansons : Doucement s'en va le jour, La p'tite hirondelle, Il était un petit homme, Les feuilles d'automne, Il est libre Max, Hop, O Tannenbaum, Le chant des marais, Die Moorsoldaten, Pirouette cacahouète, Le train, Grand corps malade.
Textes : Lettres personnelles, poèmes en prose, Charles Baudelaire, Le portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde, un témoignage d’un enfant rom dont le père a été arrêté, une recette de croque-monsieur, Enfance, Nathalie Sarraut, L’atelier, Chants provençaux et littérature de lange d’oc, 1859-60, L’homme qui rit, Victor Hugo, La journée d’aujourd’hui, Une orange sur la table, Jacques Prévert, Merci de ne pas quitter les lieux en l’état où vous les avez trouvés, Olivier Balazuc, Le soulier de satin, Paul Claudel, L’annoncier, Paul Claudel, Alice, Jacques Roubeau, Invitation au voyage, Charles Baudelaire, Paroles, Jacques Prévert, un conte grec, Animas Mohir, Arms Bertna.

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